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La chapelle du charcutier

Focus #3 : Passeport de 1850

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Des déplacements très contrôlés

A l’ère de l’Espace Schengen et de la liberté de circulation, il peut sembler étrange d’avoir besoin d’un passeport pour se rendre d’une ville à une autre. Pourtant, depuis le XVe siècle où le terme est apparu,  il fut employé pour désigner les documents assurant le contrôle de la circulation des marchandises et de la population, et ce même sur des petites distances1. Au XXe siècle, le contrôle national est abandonné au profit du contrôle international, afin de surveiller les étrangers entrant sur le territoire tout en empêchant les nationaux d’échapper à la conscription. De nos jours le passeport est nécessaire pour voyager hors de France – exception faite des pays appartenant à l’Espace Schengen – et il doit parfois être accompagné d'un visa, autorisant l’entrée sur certains territoires.

Ce document est un passe-port [sic] à l’Intérieur. Son format est assez grand (25x37,5 cm) et il est délivré par la Police générale du royaume. Il est signé par le maire Buignet en date du 16 août 1850 avec une validité d’un an, pour le prix de deux francs. Son porteur est la veuve Ridez, qui se voit ainsi accorder l’autorisation de passage et de circulation de Chelles à Boulogne, par le train de plaisir.

Les trains de plaisir étaient des trains à tarifs réduits, qui reliaient Paris à des stations balnéaires et centres touristiques2. Ils circulaient d’abord avec le départ le samedi soir et le retour le lundi matin, puis également en journée, de la seconde moitié du XIXe siècle aux années 1930. Le train pour Boulogne-sur-Mer fut mis en place en 1849, la ville attirant les touristes pour sa station balnéaire et pour sa proximité avec l’Angleterre3. La destination finale de la porteuse du laissez-passer est Londres et il lui faudra alors un passe-port à l’étranger, pour lui permettre de changer de pays.

A cette époque pas de photo d’identité sur le document, on y trouve à la place le signalement du détenteur, à commencer par son âge, puis une description physique. La taille, la couleur des yeux, du teint, des cheveux et des sourcils, la forme du front, du nez, de la bouche, du menton et du visage sont décrits. La description se veut objective, sans volonté de flatter, puisqu’on peut par exemple lire « rond double » dans le champ menton.

Afin de confirmer le nom et la profession de la femme dont la lecture est difficile, nous avons fait une recherche dans les archives à partir des informations en notre possession sur le document, à savoir son âge et son statut de veuve. Il est dit qu’elle a 55 ans en avril 1850, on peut donc en déduire qu’elle est née en 1794 ou 1795 et on peut imaginer qu’elle s’est mariée autour de 1810. Dans la table décennale 1803-18134, nous avons trouvé le mariage de Louis Pascal Polycarpe Ridez et Louise Victoire Philippine Butelot le 18 janvier 1813. Nous avons donc cherché l’acte de mariage5, et y avons trouvé la mention de la profession du mari qui est marchand de foire. Cela correspond à la profession renseignée sur le passe-port de la veuve, et nous confirme l’orthographe du nom de famille. Sur l’acte de mariage figure la date de naissance des époux, nous permettant alors de retrouver l’acte de naissance de la veuve6. Or la surprise est que Louise Butelot épouse Ridez est née le 1er mai 1787, ce qui signifie qu’en avril 1850 elle avait 62 ans et non 55 ans comme il est écrit sur le document. On peut alors s’interroger sur la connaissance que les gens avaient de leur propre âge à cette époque, qui était souvent approximatif. De plus, la signature sur le document n’est pas très assurée, et semble être celle d’une personne peu habituée à écrire, peu lettrée, et probablement peu à même d’aller consulter son acte de baptême.

Pour aller plus loin...

1 http://www.cnrtl.fr/definition/passeport

2 Suzanne VERGEADE, "Un aspect du voyage en chemin de fer : le voyage d'agrément sur le réseau de l'Ouest des années 1830 aux années 1880", in Histoire, économie et société, 1990, 9ᵉ année, n°1. Les transports. PERSEE [en ligne] Disponible sur https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1990_num_9_1_1569 [consulté le 12/04/2019]

3 Yves-Marie HILAIRE, "Chapitre XII. Loisirs et vie de l'esprit dans une cité balnéaire au XIXe siècle", in Alain LOTTIN (dir.), Histoire de Boulogne-sur-Mer, ville d'art et d'histoire, Presses universitaires du Septentrion, 2014, pp.321-344 [en ligne] Disponible sur https://books.openedition.org/septentrion/7594?lang=fr [consulté le 15/04/2019]

4 Table decennale, 1803-1813, Archives Municipales de Chelles, 2E1/2

5 Regsitre d'état-civil, 1813, Archives Municipales de Chelles, 1E20

6 Regsitre paroissial, 1787, Archives Municipales de Chelles, GG23