Au fondement de l'abbaye royale de Chelles (VIe-XVIIIe siècle)
Une antique fondation
L'abbaye royale s'implanta à Chelles sur un lieu où préexistait déjà une villa* mérovingienne installée sur une ancienne agglomération gallo-romaine. Le premier bâtiment construit, l'église Saint-Georges, y aurait été fondée vers 510 par Clothilde, femme de Clovis. Un siècle et demi plus tard, vers 660, la veuve de Clovis II, Bathilde, fonde un monastère féminin consacré à la Sainte-Croix. A la fin du VIIIe siècle, l'abbesse Gisèle, soeur de Charlemagne, fait construire une nouvelle église abbatiale dédiée à Notre-Dame, située davantage à l'est et laissant l'usage de l'ancien monastère aux moines. Malheureusement, la connaissance topographique relative de ces églises durant ces temps anciens est limitée, notamment car les fouilles archéologiques n'ont pas permis d'apporter suffisamment d'éléments de réponse.
Essor et renommée de l'abbaye royale
A partir du Xe siècle, en dépit de guerres féodales récurrentes entre les rois capétiens et leurs vassaux, l'abbaye poursuit une politique d'embellissement. Ainsi, la renommée du couvent est telle qu'il attire de nombreuses vocations. En 1226, un grave incendie détruit une grande partie de l'abbaye. Elle fait alors l'objet d'un vaste programme architectural, mais la guerre de Cent Ans ainsi que les grandes épidémies et crises économiques successives marquèrent un coup d'arrêt. Ainsi, les églises Sainte-Croix et Saint-Georges, bien qu'épargnées par l'incendie du fait de leur position excentrées, sont en mauvais état et sont reconstruites entre 1256 et 1259. Les périodes d'abandon et de réfection de l'abbaye royale se succèdant, il faut attendre le XVIe siècle pour que les conditions économiques de l'abbaye s'améliorent. Elle fait alors l'objet de plusieurs chantiers de restauration et de construction. Au XVIIe siècle, de nouvelles modifications sont apportées à l'abbaye : Madeleine de la Porte, abbesse de 1629 à 1671, y fait reconstruire le logis abbatial, auquel s'ajoute la construction du bâtiment destiné aux hôtes ainsi qu'un nouveau dortoir, accolé au pignon Est de l'église Sainte-Croix.
La chronologie des églises, comme celle de l'abbaye, est faite de chantiers successifs de construction, d'agrandissements et autres remaniements particulièrement nombreux. La présence de personnages importants occupant les fonctions d'abbesses joue un grand rôle dans l'aménagement de l'ensemble architectural. De fait, reines, rois et proches de la famille royale sont présents tout au long des treize siècles d'existence de l'abbaye, chacun d'entre eux ayant été désireux de marquer de son empreinte l'une des plus grandes abbaye bénédictine féminine de France.
Sous l'abbatiat de Louise Adélaïde d'Orléans par exemple (1721-1734), l'abbaye royale s'embellit et de grands travaux sont menés. Ainsi en est-il de l'adduction d'eau, de la construction d'une nouvelle infirmerie, d'une apothicairerie, de nouveaux dortoirs, de la restauration du réfectoire, de la salle du chapitre et du cloître, ou encore de l'agrandissement du logis abbatial et de nouvelles décorations. Ces grands travaux ont pu être réalisés grâce à la fortune et aux relations d'influence de l'abbesse, fille du régent Philippe d'Orléans. Par ailleurs, l'abbaye a toujours occupé une place fondamentale dans la vie locale chelloise. L'abbesse était seigneur du lieu et de ce fait, disposait du droit de haute, basse et moyenne justice. Elle percevait en outre les dîmes et impôts divers.
Destructions révolutionnaires
La Révolution française, véritable tournant à l'échelle nationale, entraine des répercussions concrètes à Chelles en amorçant le déclin irréversible et la fin de la fonction religieuse de l'abbaye royale. La suppression des ordres religieux, par le décret du 13 février 1790, précipite le départ des soeurs dans un climat d'insécurité. Ces dernières quittent l'abbaye peu à peu pour des refuges plus sûrs, la dernière soeur se retirant définitivement le 1er octobre 1792.
Les bâtiments de l'abbaye royale quant à eux sont considérés comme biens nationaux en vertu du décret du 2 novembre 1789 et sont confisqués. Le mobilier des églises Sainte-Croix et Saint-Georges, composé des autels, boiseries et statues est cédé lors de la vente du mobilier de l'abbaye le 11 octobre 1792, au sieur Duhamel, menuisier à Paris pour la première, moyennant une somme de 200 livres ; au sieur Lenoir, maire de Chelles, pour la seconde, en versement d'une somme de 104 livres. Cependant, avant-même la tenue de la vente officielle, l'abbaye est pillée pendant la courte période d'abandon : certains témoins l'affirment, la bibliothèque ainsi que les archives sont dispersées. Mais les pillards, dont la plupart viennent de Paris, sont à la recherche de matériaux ayant une valeur pécuniaire. C'est ainsi qu'est fait état d'éléments arrachés tels que des portes, des plaques de cheminées ou encore le plomb des toitures. Autant de matériaux destinés à la revente.
C'est finalement en 1796, le 18 mars précisément, que l'aliénation de l'abbaye est décidée. Le 5 juin suivant, un inventaire des bâtiments est réalisé, rendant compte du mauvais état des édifices et particulièrement de l'abbatiale, laissée à l'abandon et endommagée par les pillages successifs, rendant ainsi toute réhabilitation trop coûteuse. Le 13 juin, la vente de l'abbaye entérine le début de la démolition de l'abbatiale et d'une grande partie des bâtiments. Les églises Sainte-Croix et Saint-Georges subissent alors d'importantes modifications : les baies y sont bouchées, des portes et fenêtres sont percées et les voûtes démolies.
* Domaine de grands propriétaires terriens comprenant des terres, des bâtiments agricoles et parfois une maison de plaisance (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).
L'abbaye royale de Chelles en images
A quoi ressemblait donc l'abbaye de Chelles en son âge d'or ? C'est ce que nous vous proposons de découvrir à présent.
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