Désacralisation ou deux siècles d'incertitude (XIXe-XXe siècle)

Vue des églises et de l'ancien dortoir des moines en 1970

Un long XIXe siècle

Peu de documents donnent la trace des églises au XIXe siècle. Un inventaire de vente, conservé aux Archives nationales nous apprend que les édifices sont cédés en 1801, la description des églises est sommaire et laisse apparaitre que l'édifice est alors divisé en deux logements distincts. Une autre description de 1849 nous renseigne sur un usage de ferme tandis que le 8 juillet 1852, le bâtiment est vendu aux enchères publiques. Tout au long des XIXe et XXe siècles, les églises subissent de nombreuses transformations liées aux différents usages auxquels elles sont affectées : granges, ferme, habitations, commerces et garage. Malgré ces occupations successives, le bâti n'est pas entretenu et les églises ne cessent de se dégrader. En effet, l'édifice est d'une grande fragilité ayant pour cause un défaut structurel au niveau de ses fondations.

La rénovation urbaine du vieux Chelles ou le péril des églises 

Au début des années 1960, à l'instar de nombreuses villes en France, Chelles connait une importante opération de rénovation urbaine de son centre-ville ancien. L'urbanisme des Trente Glorieuses, pensé comme une réponse au problème récurrent du mal-logement promet alors à la population tout le confort du monde moderne. Le centre-ville, ancien et délabré, n'est pas de nature à répondre à ces aspirations. Il n'est pas non plus approprié pour loger une population chelloise de plus en plus nombreuse. Dès 1958, la municipalité adopte une délibération visant à la rénovation des ilots dits "défectueux" du centre-ville. Après enquête réalisée par la Société d'Equipement de la Seine-et-Marne (SESM), partenaire du projet, le périmètre de l'opération est fixé suivant l'état de délabrement des immeubles existants. Les églises Sainte-Croix et Saint-Georges sont alors au coeur du grand projet à venir.

La sauvegarde des églises Sainte-Croix et Saint-Georges, restées intactes à leur emplacement d'origine, a été le fruit d'une longue bataille. Elle oppose la municipalité, scrupuleuse de la bonne conduite de l'opération urbaine conformément au plan masse défini en 1963, à quelques Chellois dont André Clément, conservateur du musée Alfred Bonno et les membres de la société d'histoire locale (la Société Archéologique et Historique de Chelle, SAHC). Ces derniers associent leurs efforts à la Commission des Monuments Historiques, soucieux de préserver les derniers bâtiments de l'abbaye royale. 

Au début des années 1960, les vestiges de l'abbaye, dans un état plus ou moins critique, sont encore nombreux. On recense pêle-mêle : le logis abbatial (transformé en mairie), les arcades du cloitre, un morceau de mur du réfectoir, des restes de la porte d'honneur, les celliers et pressoirs, les églises Sainte-Croix et Saint-Georges et le bâtiment des moines, ainsi que l'angle nord-ouest du cloître, dit chapelle "du charcutier".

Si dans un premier temps en 1964, la SESM semble désireuse de respecter et de conserver les restes de constructions anciennes qui présentent un intérêt archéologique, cinq ans plus tard, la municipalité émet des réserves quant à la demande de classement des églises votée par la Commission des Monuments Historiques : en cause, l'incompatibilité du plan de rénovation urbaine et du maintien des églises in situ. Est alors envisagée comme solution la démolition de l'édifice pour un remontage à proximité de l'ancien cloître. Refus de la Commission qui juge "inadmissible qu'un site archéologique de cette importance soit sacrifié pour une question d'urbanisme."

Alors que les échanges entre la municipalité et les services du Patrimoine sont au point mort, la première réclamant notamment des services de l'Etat des compensations financières - dont le remboursement des dépenses d'acquisition des églises d'un montant de 265.200F - la question de la préservation des édifices est à l'ordre du jour du Conseil municipal qui se réunit le 1er juin 1972. C'est à cette occasion qu'Henri Trinquand, conseiller municipal et président de la SAHC, s'alarme de la tournure prise par les évènements dans une note :

"La rénovation de Chelles arrive maintenant à un moment où se pose avec toute sa rigueur la protection des vestiges de l'ancienne Abbaye de Chelles et le Conseil est appelé aujourd'hui à se prononcer sur la protection de ces anciens témoins du passé, les Eglises Sainte-Croix, et Saint-Georges. [...] il faut avoir présent à l'esprit l'intérêt qu'offrent ces vestiges datant du 13ème siècle. Ce sont les derniers bâtiments restant de l'ancienne Abbaye. Ils ont toujours formé un ensemble sur l'emplacement de la toute primitive église abbatiale et c'est leur sol qui reçut la sépulture de la reine Bathilde. Aujourd'hui encore, leurs magnifiques charpentes retiennent l'attention. A notre époque où l'on s'efforce en France de sauver et de faire revivre les traces du passé, il ne faudrait pas que Chelles se singularise en décidant leur disparition. Notre responsabilité serait grande aux yeux des générations futures. L'avis que doit formuler aujourd'hui le Conseil peut avoir de très importantes conséquences, la plus grave risquant d'entrainer la destruction et celle-ci devenant à jamais irréparable. [...] Quelle que soit l'importance de l'aide supportée par le Ministère, la charge supportée par la Ville ne devrait pas faire obstacle à la sauvegarde de ces vestiges."

Les églises sont finalement inscrites à l'Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1974 afin d'être sauvegardées de la destruction. Le bâtiment des moines, la porte d'honneur, les celliers et pressoirs seront quant à eux détruits. Dix ans plus tard, le 13 septembre 1984 (publié le 11 mars 1985), les églises Sainte-Croix et Saint-Georges sont cette fois-ci classées Monuments Historiques.

Menace sur les églises

Ce panneau vous invite à découvrir plusieurs photographies des églises Sainte-Croix et Saint-Georges avant les travaux de restauration.

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